Mario Torrente est étudiante en Travail social à Lausanne. Elle est venue à Santa Fe pour réaliser une période de formation pratique et nous livre ici quelques observations.
- Dans ton travail en prison ou dans les quartiers, quelle a été l’expérience la plus marquante ?
J’ai vécu énormément d’expériences marquantes mais il y en a une qui a été pour moi significative et importante. Le mercredi après-midi, j’anime un espace pour les prisonniers que j’ai nommé l’atelier d’expression. Vers le début de mon stage, j’ai demandé aux participants de parler tour à tour d’une expérience qui a été pour eux significative et par la suite d’en ressortir les ressources qu’ils avaient su utiliser pour vivre ce moment particulier. Lorsque j’ai expliqué les consignes de l’activité et demandé qui souhaitait commencer personnene m’a répondu, j’étais paniquée. J’ai donc décidé de commencer avec une de mes expériences et j’ai demandé aux participants de noter mes compétences utilisées. C’estaprès cela que les prisonniers ont commencé à se livrer et raconter des moments de leurs vies privées. Ceux-ci se sont ouverts et livrés au groupe et à moi-même. C’est à ce moment que s’est tissé une relation de confiance entre eux et moi. C’était un moment émouvant et très intéressant.
- D’après-toi, d’un point de vue « social », quelle est la plus grande différence entre la Suisse et l’Argentine ?
Selon moi, la plus grande différence entre la Suisse et l’Argentine se situe dans l’assistance sociale, plus précisément dans la prise en charge et le suivi des prisonniers. En effet, chaque personne bénéficie des services d’une assistante sociale mais le problème étant que la travailleuse sociale est mandatée d’environ septante bénéficiaires. Elle travaille donc non pas avec des personnes, avec des cas bien particuliers et spécifiques, mais avec des numéros. A plusieurs reprises, dans les ateliers en prison, j’ai pu entendre les plaintes des participants, la méfiance ou le manque de confiance qu’ils avaient vis-à-vis d’elle. Ceux-ci restent souvent un long moment avant d’obtenir une réponse à leurs demandes et questions ou pire encore ils n’en reçoivent pas du tout.
Ce point est directement en lien avec le problème des services sociaux en général, les prisonniers ne sont pas aidés pour trouver du travail ou de logement. Ils se retrouvent seuls à l’intérieur mais aussi à leur sortie. C’est le cas de nombreux d’entre eux qui ont la malchance de ne pas avoir de famille pour les soutenir.
- Qu’as-tu appris aux niveaux personnel et professionnel durant ce temps en Argentine ?
Tout au long de cette expérience professionnelle et personnelle j’ai su apprendre à m’adapter et à être patiente. Il est vrai que travailler dans le contexte carcéral demande beaucoup de patience, il faut respecter les règles de la prison et rester très vigilant. Lorsqu’on travaille avec cette population il faut prendre en considération tous les critères, la vie dans les prisons d’Argentine est difficile et souvent inhumaine. Il faut donc tenir compte des besoins des participants dans le « ici et maintenant », il faut s’adapter soi-même ou son activité selon l’humeur, l’envie ou l’état d’esprit du participant.
- Quel message souhaites-tu transmettre aux lecteurs de ce journal ?
Ce stage dans le cadre de ma formation en Haute Ecole Sociale a été très riche en émotions et je suis heureuse d’avoir eu cette chance de travailler dans les prisons en Argentine. J’ai vécu des choses inoubliables et j’ai le cœur rempli de beaux moments. J’ai appris plein de choses sur moi-même ainsi que sur les participants avec lesquels je travaillais et ils m’ont beaucoup apporté. J’ai pu suivre, jour après jour, leur évolution ainsi que la mienne dans le cadre de mon futur métier. Pour terminer, je repars avec pleins de nouveaux apprentissages et de magnifiques souvenirs.